Le tax-shift et le caractère soi-disant asocial du gouvernement

J’entends régulièrement de nombreuses critiques quant au caractère soi-disant asocial de l’actuel gouvernement fédéral.

Nul n’est parfait et de nombreuses améliorations doivent sûrement encore être apportées mais je me permets, humblement, de revenir sur quelques éléments qui permettent, je l’espère, de contredire une certaine presse :

  • En ce qui concerne les revenus de remplacement (chômage, cpas, pension grapa) : grâce à l’enveloppe bien-être à nouveau à 100% (redescendue à 60% sous Di Rupo) : ils seront tous, cette année, augmentés de 2%…
  • pour les « petites gens » – dont on me parle souvent – ou les bas et moyens revenus : le fameux tax shift est précisément pour eux et a pour ambition de leur donner 100€ en plus par mois…;
  • ce fameux tax shift en question ne peut se financer en un claquement de doigts, vous serez d’accord avec moi là-dessus. Le Gouvernement a donc décidé d’aller chercher des sous auprès de 1/ une diminution de ce qu’il dépense – 2/ les cigarettes, l’alcool et le diesel (je peux vraiment assumer ça…) 3/ le capital (taxe caïman, hausse du précompte de 25 à 27%, taxe sur la spéculation à 6 mois…).
  • 4/ la hausse de la TVA : c’est vrai, ce n’est pas populaire. La mesure s’est révélée beaucoup plus onéreuse que budgétisée il y a deux ans et il a été décidé de la remettre à 21%. A l’époque, il avait été indiqué que ce serait temporaire mais bon… Je concède que ça n’est jamais facile comme décision. Rappelons toutefois que le fait de baisser la TVA sur l’électricité a aussi eu pour conséquence qu’il n’y a pas eu d’indexation des salaires… Et donc c’était 2% d’indexation en moins.
  • en ce qui concerne les intérêts notionnels, souvent critiqués : comme pour tout système il y a, c’est vrai, des abus. En social aussi, hélas. Mais ces fameux intérêts notionnels ont aussi permis de maintenir des milliers d’emploi auprès d’entreprises qui envisageaient de délocaliser au vu de ce que leur coûte un salaire en Belgique comparé aux pays voisins ou plus lointain. Il faudra aller expliquer à ces emplois conservés, à ces familles, que les intérêts notionnels n’ont pas été ‘social’ pour elles.
  • baisse des charges patronales de 33 à 25% : le but n’est pas de faire un cadeau aux grosses multinationales, non. Mais si ça peut leur faire engager plus de personnes, il faudra aussi expliquer à ces nouveaux emplois que c’était une mauvaise idée… Mais le but est surtout d’aider les nombreuses PME qui constituent le tissu économique de notre pays: en allégeant ce qu’elles doivent payer, on fait le pari qu’elles auront plus d’air et créeront ces emplois, véritable vecteurs de bien-être social d’un pays.

Ah oui, encore une chose : dans ce tax-shift, 50 millions sont prévus pour compenser la hausse de la TVA pour les petits revenus… une nouvelle horrible mesure asociale, je sais 😉

Mon intervention au nom du MR de Watermael-Boitsfort concernant la motion anti-TTIP du Conseil communal

Je me rends compte ce soir que la salle ne nous est pas acquise, mais dans la vie, et en politique singulièrement, il faut pouvoir avoir le courage de ses opinions.

J’essaye aussi de pouvoir respecter une certaine cohérence, et à ce titre, l’abstention de ce soir s’inscrit dans la droite ligne d’une prise de position de, pourtant, tous les partis ici autour de la table, sauf le FDF, pas encore au gouvernement régional à l’époque, en 2013.

En effet, en juin 2013, les gouvernements régionaux et donc les partis au sein de ces gouvernements ont donné mandat, avec le gouvernement fédéral, à la Belgique pour qu’elle puisse négocier ce TTIP avec l’Europe.

La condition était d’avoir une exception culturelle, actuellement respectée dans les textes.

L’économie pour l’économie n’a pas de sens, elle doit s’accompagner de valeurs, d’éthique et de responsabilisation sociale.

Et dans ce sens, on rejoint évidemment la volonté de préserver, en matière de protection des consommateurs, de l’environnement et de la santé un haut niveau de protection de nos normes européennes.

L’accord de gouvernement fédéral pour ce faire est très clair : (page 191 et 194) préserver nos intérêts sociaux, culturels, en matière de sécurité alimentaire mais aussi de droits fondamentaux du travail et de normes environnementales.

Par ailleurs, le Parlement européen a voté déjà deux résolutions et une troisième est en route, avec en substance, comme message, de ne pas toucher aux normes existantes.

Vous allez me dire que symboliquement une résolution reste non contraignante pour le mandat de négociation. Politiquement, par contre, je vois mal le Parlement européen passer outre ces lignes rouges tracées au travers de ces trois résolutions.

Par ailleurs, quand on connaît l’investissement consentis par les entreprises européennes en termes de procédure, d’outillage mais aussi de certification qualité afin d’être conforme aux normes européennes, on a plutôt intérêt à défendre ses standards de qualité, ne fut-ce que simplement afin d’éviter un gaspillage d’argent dantesque.

Quand je reprends le texte de la motion, je note d’abord une absence de taille par rapport au premier texte, celui reporté de janvier. Le premier reprenait la phrase qui demandait aux autorités belges compétentes que les services publics et d’intérêt général soient absolument préservés du projet de traité.

Ce retrait traduit une bonne connaissance du dossier parce qu’en effet, les services publics sont exclus des négociations.

Vous demandez également de ne pas ratifier le CETA. Une nouvelle fois, le PS était présent quand on a approuvé l’accord de négociation, donc bon, je sais que le cœur saigne souvent, mais quand même…

Ensuite, vous demandez que les négociations se fassent dans la plus grande transparence à l’égard des consommateurs et citoyens. Pour rappel, il a été déclassifié, la société civile est consultée, il y a minimum un débat avec la société civile chaque année, et il y a même encore eu une initiative privée au Théâtre national à ce sujet il y a un mois.

En termes de consultation publique d’ailleurs, vous n’êtes pas sans savoir que la Commission européenne a lancé une consultation sur les arbitrages d’investissement, la fameuse clause ISDS.

Les conclusions sont sans appel : 145 000 réponses contre, sur un total de 150 000. L’opinion publique n’en veut pas.

Ce mécanisme n’est pas neuf, aujourd’hui on est face à pas moins de 1400 traités bilatéraux existants entre les pays de l’UE et les pays tiers ou les pays de l’UE entre eux.

Pourquoi ne pas plaider pour une désignation des arbitres mieux contrôlée ou pour une obligation de soumettre la décision d’arbitrage, pour validation, à un juge d’une cour nationale, par exemple. Ce qui est certain c’est que des garde-fous sont en effet nécessaires afin de maintenir la souveraineté juridique des Etats.

Ce qui est certain aussi, c’est que ces garde-fous commencent à être là, même 11.11.11 le reconnaît. Il faut espérer que l’on continue dans cette voie.

Maintenant, il est un argument, dans ce débat sur le TTIP, qu’il est presqueinterdit d’avancer, un argument presque banni, ou très vite on reçoit les doux noms de naïfs ou autres : c’est celui de dire que peut-être, qui sait, il y a des personnes qui négocient cet accord en vue de réellement en retirer des avantages pour tout le monde, et pour les Européens singulièrement.

Il y a plusieurs études, toutes critiquées comme chaque étude qui se vaut, soit à cause d’une partialité potentielle de l’étude ou pour d’autres raisons, mais qui, quand même :

–          parle d’un coup de fouet au redémarrage économique de l’Europe dont elle a tant besoin !

–          d’une hausse des exportations grâce à la levée de toute une série de barrières douanières ;

–          parle d’une aide pour les PME à mettre un pied sur le marché américain, avec les retombées que ça peut provoquer en termes de création d’emplois.

Mais je sais, ces arguments-là, évoqués par ailleurs, par Paul Magnette à la tribune du Parlement wallon, on ne peut pas les citer, c’est tabou, ce n’est pas possible, tout dans le TTIP qu’on ne connaît pas encore, sera mauvais.

A ce stade, on ne peut donc pas, dans la logique de la cohérence exprimée au début de cette intervention, refuser de négocier un accord que l’on ne connaît pas encore.

–          La transparence s’améliore ;

–          le gouvernement fédéral et le parlement européen se sont clairement exprimés en termes de préservation des normes –

–          l’exemple du Mexique – même si comparaison n’est pas raison – doit être gardé à l’esprit

Le TTIP reste par ailleurs un projet d’accord commercial, pas sur les normes, maintenant si on peut faire évoluer les normes aux USA, avec l’aide des démocrates contre certains républicains, pourquoi pas.

Et pour essayer de détendre l’atmosphère,à ce propos, on avait proposé, quand Obama est venu il y a un an, que le Premier Ministre de l’époque mette ce point à l’ordre du jour des entretiens. ça n’a pas été retenu, probablement par respect pour la motion qui allait être déposée au conseil communal de Watermael-Boitsfort…

David Leisterh

Chef de Groupe MR

au Conseil Communal